Territoire et santé n°12 - Normandie

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GHT : Quelles coopérations avec le privé ?

La constitution des GHT et la mise en oeuvre de leurs stratégies de structuration de l’offre de soins autour de filières amène à s’interroger sur le devenir des coopérations déjà existantes avec les établissements privés (1). Vont-elles être maintenues, renforcées ou, à l’inverse, dégradées voir supprimées ?

La question est d’autant plus stratégique lorsque l’on aborde la filière des SSR. En effet, pour ces établissements SSR, les coopérations, qu’elles soient contractualisées ou non, sont fondamentales puisque leur activité dépend pour la quasi-totalité d’adressages de patients en provenance d’établissements MCO.

La situation en Normandie ne déroge pas à la règle. Parmi les 13 GHT, plusieurs projets médicaux partagés font état d’un renforcement des parcours entre établissements et la création de maillage territorial intra GHT présentant un risque potentiel pour les structures privées.

En 2016, environ 45.000 patients ont été adressés depuis un établissement MCO vers des structures de SSR**, dont 72% l’ont été depuis un établissement MCO public. Les établissements publics, autrement dit les GHT, sont donc les principaux adresseurs de patients vers des services de SSR.
Ainsi, sur les 28 structures privées recensées, 20 d’entre elles ont plus de 50% de leur patientèle qui proviennent d’établissements publics, atteignant parfois plus de 70%. Cette situation induit une certaine dépendance des établissements privés.

Peut-on craindre alors la fin de certains SSR privés si les GHT orientent prioritairementleurs patients vers leurs propres SSR ? Il est évident que l’hôpital public ne pourra pas se substituer à 100% à l’offre privée de la région qui représente une part non négligeable de l’offre de soins de SSR. En 2016, les SSR privés ont accueilli 52% des patients sortis de MCO (2).
Néanmoins, un renforcement des parcours public-public reste possible avec l’accroissement des capacités d’accueil lié à l’optimisation des durées de séjours et au développement de prise en charge en hospitalisation partielle / hôpital de jour.

L’impact pour les établissements privés serait alors plus ou moins important selon les situations avec des diminutions d’activités potentielles à prévoir.
Pour faire face à ce risque, le privé devra envisager plusieurs axes de réflexion : renforcement des partenariats avec les établissements MCO privés, proposition d’une offre différenciante (spécialisation, mode de prise en charge, typologie de patients), optimisation de leur efficience médico économique.

La situation confronte à nouveau deux stratégies individuelles (public vs privé). En excluant les structures privées de la démarche de maillage territorial, les GHT n’ont-ils pas finalement creusé le fossé entre les deux secteurs qui contribuent pourtant, ensemble, à l’équilibre de l’offre de soins.

(1) Privés à but lucratif et privés à but non lucratif.
(2) Patients adressés depuis un établissement MCO selon la méthodologie de calcul du chaînage de patients PMSI.

Nicolas Staelen - Directeur Associé d'Altense